Ma vision personnelle du voyage et pourquoi c’est une fuite

Cet article pourrait apparaître à la fois dans la rubrique voyages et dans la rubrique développement personnel, mélange des deux. Je tiens à clarifier en premier lieu quelque chose : non je ne suis pas en train de détruire le concept du voyage, il fera toujours partie intégrante de mes rêves et je voyagerai sûrement durant ma vie entière, le mot « fuite » est ici pour moi très positif, c’est un hymne au voyage. Deuxièmement, je fais référence ici aux voyages de moyen et long terme, que l’on entreprend comme un vrai projet de vie, pas aux vacances et congés payés.

Lors de mon voyage d’un an en solo en Australie, ou lorsque je suis partie vivre à Londres, je me suis souvent posée la question, comme beaucoup de voyageurs : pourquoi je voyage et pourquoi je suis partie de mon pays ? En général, on a une esquisse de réponse avant, lorsque l’on prépare son projet de voyage et que l’entourage demande : pourquoi l’Australie, pourquoi tu pars, pourquoi seule, quel est ton projet, qu’est-ce que tu envisages de faire là-bas, dans combien de temps tu reviens, mais t’as pas peur ?!, etc. On répond, on essaie, plus ou moins facilement, plus ou moins clairement, avec beaucoup de « je ne sais pas », de « on verra », et à force de répéter, d’être vague et de ne pas savoir vraiment nous-mêmes, on a envie d’élucider les questions. On a juste envie de se jeter dans la gueule de l’Inconnu, qui nous attire irrépressiblement, tel un trou noir.

Pendant le voyage, on se questionne régulièrement et la réponse peut évoluer, au gré des aventures, des chemins et rencontres, pour moi en tout cas elle est devenue de plus en plus claire. J’ai rencontré sur ma route de nombreux voyageurs, des nomades à backpack comme moi, solo ou pas, et j’ai pu observer que l’on était nombreux à avoir cette « pensée » commune : nous voyageons et nous sommes partis, loin, car nous ne voulions plus de notre « vie d’avant ». Certains ont décidé de partir à la suite d’une rupture sentimentale ou relationnelle, d’autres à la suite d’une rupture professionnelle, d’autres à la suite d’un deuil, d’une maladie, d’autres simplement à la suite d’un déclic. Chacun a son « billet aller » personnel. Dans tous les cas, tout le monde a son « avant », et tout le monde cherche son « après ». On nous dit souvent que l’on voyage pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs ou non, avec plus ou moins de sarcasme. La réponse est oui, lorsque l’on voyage, l’herbe est plus verte. Pourquoi ? Parce qu’elle est neuve et fraîche. Différente. Elle a un autre goût, une autre couleur, une autre saveur, ô combien agréable. Lorsque l’on est loin de son pays et sa vie qui s’y rattache, notre réalité se transforme car notre regard change. Il change car nous ne sommes plus dans le même environnement, autour de nous il n’y a plus ni famille, ni amis, ni collègues, ni éducateurs, ni représentants de la société, ni les mêmes médias. Nous nous retrouvons seul sur le chemin, face à nous-mêmes, et nous invitons sur notre route un tout nouvel environnement, tout frais tout beau, qui s’étoffe petit à petit, jusqu’à devenir notre nouvelle vie. Nous pouvons alors expérimenter ce qui nous était finalement presque inconnu avant : la liberté. Non seulement la liberté physique, de faire à peu près ce que l’on veut, quand on le veut, où on le veut et avec qui on le veut, mais aussi la liberté intérieure, d’être qui on veut, comme on veut, montrer notre vraie personnalité, sans avoir de compte à rendre à personne d’autre qu’à nous-mêmes, ou presque, nos émotions se mettent à nu. Je me suis sentie libre en Australie, comme jamais avant, libre de rouler sur n’importe quelle route, dans n’importe quelle direction, avec des compagnons de voyage choisis librement avec intuition, même un 4X4 choisi avec intuition aussi (ouf ! j’ai eu chaud ^^), libre de travailler ou pas, libre de démissionner facilement d’ailleurs, libre de parler à n’importe qui, libre de rester et m’installer dans une ville ou pas, repartir, me re-poser, etc. Sans pression, sans regard, sans jugement, ou presque, juste des choix purs, des envies, des intuitions. On troque un sac à dos de « fardeaux et croyances limitantes » contre un backpack plus léger, plus digeste. Certes, ne négligeons pas l’aspect budget qui guidera certains choix bien sûr. Mais le confort matériel importe très peu face à ce (ré)confort de cœur. L’Australie est un pays qui permet cette liberté pour les étrangers, pour tout le monde. Beaucoup de pays le permettent aussi, d’autres beaucoup moins. Certains décideront même que le pays de voyage est un coup de cœur et deviendra la nouvelle patrie, car ayant goûté à cette liberté, c’est trop tard, ils ne peuvent songer à y renoncer. Ils y trouvent leur « après », voire leur « moitié » de cœur. Pas facile et tout rose bien sûr, mais de nouveaux projets voient le jour pour eux dans ce pays d’accueil.

Lorsque que pour beaucoup vient le moment de rentrer au pays, après une ou deux année(s), ou plus, une appréhension survient souvent et sert le cœur, une hésitation même, à rester un peu plus longtemps, quelques semaines, mois, années… ? Bon et puis non, la décision de rentrer, pas seulement parce que le billet est déjà acheté ou que le portefeuille est complètement vide (bon si un peu quand même aussi^^), mais parce qu’on entend le rappel de la source, l’envie de retrouver son pays, sa famille, ses amis, ses endroits, sa culture, quelques-unes de ses habitudes… C’est le bon côté, ce doux rappel des bons souvenirs et de ce qui nous manque. Car en réalité, le retour est souvent rude. Très rude. Retrouver ses proches est évidemment très agréable pour tout le monde, mais d’autres détails frappent en pleine face. Personnellement, l’un des aspects les plus durs du retour, a été de retrouver mes affaires, cet énorme tas d’affaires. Tu regardes ta penderie, ton armoire de salle de bain, et autres, et là tu as un « haut-le-cœur » : tu as réussi à vivre un an, la meilleure année de ta vie d’ailleurs, avec seulement un sac à dos, mais comment as-tu pu vivre avec autant d’affaires aussi inutiles avant ? Je pense qu’à ce moment-là on ressent tous la même chose. Alors oui, on fait le tri et on se débarrasse de plein de choses, pour passer la pilule et se sentir mieux, plus frais. On se rend compte également que (presque) rien à changer pendant notre absence. On a l’impression à l’intérieur d’avoir subi un vrai raz-de-marée, mais ici, non, tout est pareil, ou presque. Après, vient la question « qu’est-ce que je vais faire de ma vie maintenant, dans quoi je vais bosser, où je vais vivre ? Comme avant ou pas comme avant ? ». Gloups, questions difficiles. Le souvenir de la grande liberté d’être pleinement soi encore très frais en tête, on ne peut s’empêcher d’avoir une grande envie de repartir, encore un voyage, alors où ça cette fois ? Quand est-ce que je repars ??? D’où « l’addiction au voyage » dont on parle souvent. Cette sensation de liberté c’est comme une drogue, une fois qu’on y a goûté, on en veut et re-veut, toujours plus. En tout cas, je pense que l’addiction ne disparaît jamais vraiment, on est atteint « à vie », y’ pas de désintox. Bien sûr c’est normal, comment pourrait-il en être autrement, tout être humain aspire à la liberté, plus ou moins consciemment.

Les semaines et mois passent, il y a ceux qui repartent rapidement, encore avides de découvertes lointaines, sinon, on essaie plus ou moins de retrouver une « vie normale, mais différente », petit à petit, en gardant en tête notre liberté, de s’atteler à de nouveaux projets, on cherche son « après ». Le questionnement sur soi est toujours présent, comme une musique de fond, plutôt bruyante, les réponses sont sûrement différentes. On est maintenant plus au clair sur la question du pourquoi je suis parti(e). On se rend vraiment compte que l’on a pris l’une des meilleures décisions de sa vie, qu’on le referait mille fois, que l’on n’a pas de regret, que l’on a rencontré de magnifiques personnes de tout horizon, que l’expérience nous a transformés à jamais, que l’on a appris à vivre très simplement, en solo, à deux et en communauté (coucou les auberges de jeunesse !), que l’on a peut-être appris un nouveau métier, une ou des nouvelle(s) culture(s), que l’on a découvert des paysages et une nature grandioses, que l’on a rencontré de nouveaux animaux (Kangoos et koalas chéris, je ne vous oublierai jamais), que l’on a nagé avec des requins-baleines, que l’on a même sauté en parachute, que l’on a appris et vécu la débrouillardise et que cela nous a donné confiance en nous, qu’il y a plein de choses en fait auxquelles on peut dire « Balec’ » (mon expression favorite pendant tout le voyage, avec les « I don’t care », « I don’t give a shit », apparemment très français m’a-t-on dit), que l’on a appris mille fois plus de choses sur nous-mêmes en un an (ou plus) que pendant toute notre vie, que l’on a énormément de chance d’avoir le privilège de pouvoir expérimenter tout cela. Cela n’a pas de prix. Voilà la réponse, on voyage pour tout ça à la fois. Même si le retour est une claque, ça vaut bien la claque !

On reprend donc une vie plus ou moins « normale » (j’aime pas ce mot), et petit à petit, la bulle du voyage se referme. On y pense tous les jours pourtant (en plus nos réseaux sociaux nous la rappellent constamment ces b*****s), mais on se rend compte également que cette bulle ne représente pas notre vie, pas une vie entière. Le voyage est une belle échappée (ou plutôt des échappées belles dirait France 5), et que l’issue de celui-ci soit de s’installer dans un autre pays ou de rentrer dans le nôtre, ou de repartir pour re-rentrer, la parenthèse se referme toujours et l’on en vient toujours à penser à nos engagements. Je n’aime pas trop ce mot non plus, mais il est bien adapté. Car oui, la vie est faite d’engagements. Engagements dont on est responsable. Engagement envers soi-même, engagement envers les autres, dans une relation, envers une voie professionnelle, envers un lieu d’habitation, envers la nature, etc, que ces engagements soient à long terme ou non, changent ou non. Qu’on le veuille ou non. Le voyage ne change pas cela, on aura toujours des engagements à prendre, et des choix à faire pour les prendre. Le voyage permet par contre de prendre des engagements avec beaucoup plus de discernement et en meilleur alignement avec nous-mêmes, notre « vrai » moi libre, en conscience. Ce n’est évidemment pas le seul moyen pour parvenir à faire des choix en conscience et en se connaissant mieux soi-même, mais ç’en est un sublime, à essayer parmi d’autres. Voilà pourquoi le voyage est pour moi une fuite, une fuite qui conduit à soi. Tel un boomerang. Je ne conseillerai jamais assez à chacun de vivre cette fuite, sa propre fuite, au moins une fois dans sa vie, et pas nécessairement à l’autre bout du monde. L’effet boomerang peut fonctionner partout, je crois. Alors, à tous ceux qui disent que l’on voyage loin ou souvent pour prendre la fuite, je leur dis un grand oui, effectivement, on fuit notre réalité, pour en construire une meilleure. Un grand merci à l’Australie, et à tous les pays qui m’ont accueillie à bras ouverts, ils auront une place éternelle dans mon cœur et dans ma tête. Puisse ma vie être un grand voyage, qui me permet d’avoir la liberté de rouler sur n’importe quelle route, dans n’importe quelle direction, de choisir avec intuition.

A tous les amoureux de voyages

« Life is not meant to be lived in one place« 

4 commentaires sur « Ma vision personnelle du voyage et pourquoi c’est une fuite »

  1. Merci beaucoup pour ton retour et ton partage! Effectivement, j’ai aussi lu ton article et je vois que l’on a la même problématique sur l’anxiété, et le fait de se sentir beaucoup plus libre en voyage en sortant de cette pression d’adhérer au métro-boulot-dodo, que l’on déteste. C’est génial d’avoir cette prise de conscience et de le vivre. Je travaille actuellement à essayer de ressentir cette liberté dans ma vie française, en tout cas de mettre en place une vie qui va me permettre d’y re-accéder..!

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  2. Je viens de tomber sur ton blog, sur cet article par hasard. On a sensiblement le même âge, et je me reconnais, là, dans ces mots. L’Australie, je « l’ai faite », j’avais 21, c’était en 2009. Je n’avais pas le bagage que tu as eu quand tu es partie, (mais que j’ai aujourd’hui) après quelques années de travail, de factures, de lassitude, de recherche de sens, d’obligations.
    Aujourd’hui, j’ai un peu oublié, ce que c’était. Après 10 ans, j’ai largement retrouvé mes habitudes et m’en suis créées de nouvelles, j’ai eu le temps de haïr mon mode de vie, mon travail. Et l’envie du voyage, cet appel, il est toujours là, il ne m’a jamais quittée. La liberté de la route, du travail même (comme tu le soulignes, quand on en a marre, on part). Mais pas la même fougue qu’à 20 ans, pas les mêmes engagements non plus.
    Une chose est sure : le retour fut une baffe, une grosse baffe, mais quelle baffe !
    Merci pour ce joli article qui a attisé des souvenirs déjà très vifs ces derniers temps.

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  3. Hello Johanna, merci beaucoup pour ton témoignage sincère et intéressant, il m’a beaucoup parlé. Effectivement le retour est plutôt difficile pour moi, la baffe est très forte, je suis tiraillée entre cette injonction sociétale presque inconsciente à reprendre une vie de routines et habitudes, qui serait plutôt sécurisante avec aussi son lot d’intérêts, et cet appel du voyage qui ne me quitte jamais, qui est présent tous les jours et pour le reste de ma vie, je le sais. Je suis donc en pleine reconversion professionnelle, tant pis si cela prend du temps, pour me reconstruire une vie sur mesure, qui me permettra d’allier un certain confort de vie, d’habitudes et d’engagements, liées à une vie de famille que j’ai envie de construire, et des voyages réguliers, en tout cas la liberté de pouvoir le faire. Je n’ai pas du tout envie de renoncer aux engagements, qui ne sont pas les mêmes qu’à 20 ans comme tu le dis, mais pas de renoncer non plus à cet appel du voyage…

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